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L’emploi : un indicateur d’intégration, mais pas le seul

Les récentes données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) indiquent que les personnes issues de minorités visibles ont des taux d’emploi plus élevés au Québec qu’en Ontario, un constat qui pourrait suggérer une meilleure intégration des néo-Québécois sur le marché du travail. Cependant, l’intégration ne peut être réduite à une seule dimension, aussi importante soit-elle.

Source : https://www.dynamicpuzzle.ro/services/integration/

Sur la base de ces données, le journal “Le devoir” conclut très vite dès son titre “Les minorités visibles s’intègrent mieux au marché de l’emploi au Québec qu’en Ontario“. Pourtant, l’emploi joue certes un rôle important dans l’intégration. Il offre une certaine stabilité économique et peut aussi faciliter la socialisation et l’adoption de la langue et des coutumes locales. Mais l’intégration est une notion multidimensionnelle qui comprend également des éléments tels que l’accès à l’éducation, la participation civique, l’inclusion sociale, le sentiment d’appartenance, la maîtrise de la langue, la reconnaissance des compétences et qualifications, etc.

Ainsi, même si le taux d’emploi est plus élevé chez certaines minorités au Québec, cela ne signifie pas nécessairement qu’elles sont mieux intégrées. Le rapport de l’ISQ précise que le manque d’expérience de travail au Québec, la difficulté à transférer ses compétences dans un nouveau pays, une connaissance limitée du français et l’absence de réseau professionnel peuvent nuire à l’intégration des néo-Québécois, sans oublier le facteur de discrimination, notamment pour les femmes.

L’intégration socio-économique des personnes issues de minorités visibles est loin d’être pleinement réalisée. Il reste encore un écart salarial significatif entre les minorités visibles et le reste de la population québécoise. L’ISQ rapporte un écart relatif de l’ordre de 22 %, montrant ainsi qu’être employé ne signifie pas forcément bénéficier d’une égalité de conditions. Nous avions par ailleurs montré avec Maude Boulet et Marie Lachapelle que la discrimination perçue sur le lieu de travail touche très fort les femmes et les minorités visibles en particulier dans la fonction publique au Québec.

Il est important de considérer que l’emploi n’est qu’un élément d’un spectre plus large de l’intégration. Il y a des segments de la population qui n’ont pas d’activité professionnelle, mais qui peuvent être pleinement intégrés dans la société.

Prenons, par exemple, les étudiants. Bien qu’ils ne soient pas employés, ils sont intégrés à travers leur participation active dans le système éducatif, qui les expose à la culture locale, leur permet de maîtriser la langue et de développer des réseaux sociaux et professionnels. De même, les retraités, bien qu’ils ne travaillent pas, peuvent être intégrés grâce à leur participation à des activités communautaires, à leur contribution au sein de leur famille, ou par le biais de leur implication dans des associations ou des bénévolats.

Il est essentiel de rappeler que l’intégration est un processus bidirectionnel qui implique à la fois l’individu et la société d’accueil. Cela nécessite une approche multidimensionnelle pour l’évaluation de l’intégration qui ne se limite pas à l’emploi, mais englobe également l’éducation, le logement, la santé, l’implication civique et sociale, le sentiment d’appartenance et l’accès aux services publics. L’intégration ne signifie pas seulement être employé ou parler la langue locale. Elle signifie également se sentir accepté et valorisé, avoir accès à des opportunités équitables et pouvoir participer pleinement à la vie sociale, économique et politique de la communauté.

En autre exemple, l’économie du care, qui englobe des activités comme le soin aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes handicapées, ainsi que le travail domestique non rémunéré, joue un rôle crucial dans le maintien de la société. Souvent assurées par des femmes, ces tâches contribuent de manière significative à la qualité de vie et au bien-être social, mais sont rarement valorisées ou reconnues dans les indicateurs économiques traditionnels. L’intégration de ces activités dans les mesures d’intégration serait une reconnaissance de leur importance dans la cohésion sociale et la production de bien-être.

De plus, le bénévolat, qui est un autre aspect de l’économie non marchande, est souvent négligé alors qu’il constitue une véritable charpente de nos sociétés. En effet, les bénévoles contribuent à un éventail impressionnant de causes, des soins de santé à l’éducation, en passant par le soutien aux personnes marginalisées. Ce travail altruiste renforce la cohésion sociale, favorise la solidarité et l’empathie, et constitue souvent un lien pour ceux qui sont le plus dans le besoin.

Reconnaître le rôle du care et du bénévolat dans notre société c’est reconnaître que l’intégration ne se réduit pas à la participation au marché du travail. Ces activités génèrent du lien social, favorisent l’entraide et contribuent à créer des sociétés plus résilientes et inclusives. La considération de ces dimensions dans notre évaluation de l’intégration nous rapproche d’une vision plus complète et plus juste de ce que signifie être véritablement intégré dans une société.

Ainsi, même si l’emploi est un indicateur clé de l’intégration, il ne faut pas le surévaluer au détriment des autres aspects de l’intégration. Il est nécessaire de promouvoir une vision plus holistique de l’intégration, qui reconnaît la valeur de chaque individu, qu’il soit employé ou non, et qui vise à éliminer toutes les formes de discrimination et d’inégalité. L’objectif est de créer une société où tout le monde a un sentiment d’appartenance, indépendamment de son statut d’emploi.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sebastien KEIFF (19 juillet 2023). L’emploi : un indicateur d’intégration, mais pas le seul. Le blog du papa chercheur. Consulté le 8 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/snsg


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