L’excellence en recherche : Un Graal inaccessible ?
Aujourd’hui, je voudrais vous partager une interrogation qui me trotte dans la tête : l’excellence en recherche, est-ce une quête vaine ?

Ironiquement, mon université arbore fièrement le slogan “L’excellence en administration publique“. Une expression que j’ai toujours pris pour argent comptant, en tant que chercheur, en tant qu’éducateur. Après tout, qui ne voudrait pas être excellent dans son domaine ? Mais en m’immergeant dans un article provocateur de la revue Nature intitulé “Excellence R Us”: university research and the fetishisation of excellence“, est le fruit du travail de Samuel Moore, Cameron Neylon, Martin Paul Eve, Daniel Paul O’Donnell et Damian Pattinson (2017), je commence à remettre en question cette notion.
L’article soutient que l’excellence est souvent utilisée comme un joker dans le monde de la recherche. C’est un mot magique, une formule incantatoire qui justifie des investissements publics dans la recherche et les institutions. Mais qu’en est-il vraiment derrière ce voile de perfection ?
Le problème, c’est que personne ne semble vraiment d’accord sur ce que signifie “excellence”. C’est comme si l’on affirmait “ce travail est excellent” sans pouvoir expliciter pourquoi on le juge tel.
Plus alarmant, l’article propose que la notion d’excellence, avec son flou sémantique, ne parvient pas à capturer les véritables qualités de la recherche. Au lieu de valoriser le véritable mérite, l’excellence est un outil de hiérarchisation arbitraire de travaux, d’individus ou d’institutions.
Cela me rappelle un épisode récent où j’ai aidé à l’élaboration de la planification stratégique d’une grande société. Après de nombreuses discussions et réflexions, cette entreprise a choisi de retirer l’excellence de ses valeurs. Ce choix peut sembler surprenant, mais il est parfaitement en phase avec l’article : l’excellence, en tant que mesure de la valeur, peut être plus déroutante qu’éclairante.
Selon les auteurs de l’article, l’excellence est un outil rhétorique plus qu’une mesure objective de valeur. Le risque est de privilégier des facteurs externes, comme le prestige d’une revue, plutôt que la qualité intrinsèque du travail.
Au final, nous sommes invités à repenser notre conception de l’excellence. Dans mon domaine, les sciences humaines et sociales, l’excellence pourrait être le fait d’apporter une contribution significative à notre compréhension du monde, de proposer des idées nouvelles et stimulantes, de questionner le statu quo, ou encore de produire des travaux qui ont un impact concret sur la société.
En humanisant l’excellence, en la rendant plus personnelle et subjective, nous pourrions nous rapprocher du Graal que nous cherchons tous en tant que chercheurs. Car après tout, n’est-ce pas là la vraie vocation de la recherche scientifique ?
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sebastien KEIFF (6 juin 2023). L’excellence en recherche : Un Graal inaccessible ? Le blog du papa chercheur. Consulté le 8 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/snrl