Un référendum est-il en soi démocratique ?

Imaginez demander à la maison ce que l’on mange ce soir en autorisant à répondre uniquement par “oui” ou “non”. Et bien c’est souvent ça un référendum. Réduire, par exemple, la question de la mobilité de demain à un “oui” ou “non” au sujet d’une infrastructure est exactement la même chose.
C’est notamment pour cette raison que je ne fais pas en soi la promotion du référendum. Les questions posées lors des référendums peuvent être complexes et nécessiter des réponses nuancées, mais les électeurs ne disposent souvent que d’une réponse binaire à donner. Cela peut conduire à des choix simplistes et incomplets, qui ne reflètent pas nécessairement la complexité de la situation.
Cependant, il est important de noter que certaines questions peuvent être posées de manière simple et directe, sans nécessiter de réponse nuancée. Dans ce cas, un référendum peut être un moyen efficace de mesurer l’opinion publique sur un sujet donné.
De manière plus générale, la démocratie participative est souvent présentée comme une solution pour renforcer la participation citoyenne et réduire les inégalités sociales et politiques. Cependant, il est important de se demander si cette forme de participation est véritablement accessible à tous et si elle est susceptible de reproduire ou de renforcer les inégalités existantes.
D’un côté, la démocratie participative peut permettre de donner une voix aux groupes traditionnellement exclus du processus politique. Elle peut également permettre de mobiliser les citoyens et de les impliquer activement dans les décisions qui les concernent. En cela, elle peut favoriser une meilleure prise en compte des intérêts et des besoins des populations les plus vulnérables.
D’un autre côté, la démocratie participative peut reproduire ou renforcer les inégalités existantes. Tout d’abord, elle peut être réservée à une élite éduquée et politiquement active, qui a les ressources et le temps nécessaires pour participer. De plus, elle peut être manipulée par des groupes d’intérêts qui ont les moyens de mobiliser et d’influencer l’opinion publique. Enfin, elle peut ne pas prendre en compte les besoins et les préférences des groupes les plus marginalisés, qui sont souvent les plus éloignés du processus politique.
Il est donc important de prendre en compte les limites de la démocratie participative et de veiller à ce qu’elle ne reproduise pas les inégalités existantes. Cela implique de mettre en place des mesures pour garantir une participation équitable et de favoriser la participation des groupes les plus vulnérables. Cela peut également impliquer de repenser les modes de prise de décision et de privilégier des processus plus inclusifs et participatifs.
Pour Marion Paoletti, les référendums peuvent être considérés comme des outils de la démocratie participative, car ils permettent une participation directe des citoyens à la prise de décision politique. Cependant, elle souligne que les référendums ne sont pas toujours égalitaires dans leur fonctionnement, car les citoyens les plus informés et les plus engagés sont souvent les plus susceptibles de participer.
Paoletti met également en garde contre les risques de manipulation et de polarisation lors des campagnes référendaires, qui peuvent contribuer à creuser les divisions et les inégalités dans la société. Elle souligne que la démocratie participative doit être accompagnée de garde-fous et de mécanismes de protection pour garantir que les processus de décision restent justes et équitables.
Paoletti, elle a montré que les référendums peuvent souvent reproduire les inégalités préexistantes dans la société. Les groupes socialement privilégiés ont tendance à être plus actifs et influents dans les campagnes de référendum, tandis que les groupes marginalisés sont souvent moins engagés. Cela peut conduire à des résultats qui reflètent les opinions des groupes les plus influents plutôt que de la population dans son ensemble.
Finalement, j’y reviendrai prochainement, le referendum n’est qu’un outil dans un processus et, à mon sens, il n’a d’intérêt que pour faire suite à une délibération de grande qualité.
Références :
Paoletti, M. & Morel, L. (2021). Le référendum : une procédure contraire à la délibération, utile à la démocratie délibérative. Dans : Loïc Blondiaux éd., Le tournant délibératif de la démocratie (pp. 201-223). Paris: Presses de Sciences Po. https://doi.org/10.3917/scpo.blond.2021.01.0201
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sebastien KEIFF (26 janvier 2023). Un référendum est-il en soi démocratique ? Le blog du papa chercheur. Consulté le 23 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/snqr