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Le téléphone cellulaire en classe : outil pédagogique ou source de distraction ?

L’introduction du téléphone cellulaire dans nos vies quotidiennes a été l’une des transformations les plus rapides et les plus profondes de la société moderne. La question de son utilisation en classe devient alors inévitable et particulièrement polarisante. Faut-il considérer ces appareils comme des outils d’apprentissage ou comme des sources de distraction ?

Crédit photo libre : Maxim Ilyahov

/!\ Cet article a été écrit en août 2023

L’enseignement universitaire : entre outil de recherche et perturbation

Dans le contexte universitaire, les étudiants sont des adultes, souvent équipés non seulement de téléphones cellulaires mais aussi d’ordinateurs portables, utilisés quotidiennement pour leurs études et leur travail. La question de leur place en salle de classe devient encore plus complexe.

À l’université, ces appareils sont souvent considérés comme des outils essentiels. Ils permettent aux étudiants d’accéder rapidement à des bases de données académiques, des journaux spécialisés, et des ressources pédagogiques en ligne. Dans un environnement où la recherche et l’analyse critique sont au cœur de l’apprentissage, cette accessibilité immédiate à l’information peut être un atout précieux. De plus, les ordinateurs et les téléphones portables facilitent la prise de notes, la collaboration sur des projets de groupe et la communication avec les professeurs et les collègues.

Cependant, comme dans l’enseignement primaire et secondaire, les inconvénients ne sont pas négligeables. La distraction reste un problème majeur, peut-être même exacerbé par la nature souvent autonome et moins structurée de l’enseignement universitaire. Les étudiants peuvent être tentés de diviser leur attention entre la leçon et une multitude d’autres tâches, qu’il s’agisse de vérifier leurs emails, de naviguer sur les réseaux sociaux, ou même de travailler sur d’autres devoirs. De plus, l’utilisation omniprésente de ces appareils peut altérer la dynamique de la salle de classe. La communication face à face entre étudiants et enseignants peut être réduite, et l’engagement actif dans les discussions et les débats peut être amoindri. L’enseignant peut également rencontrer des difficultés à évaluer si les étudiants sont véritablement engagés ou s’ils sont distraits par leurs appareils.

La place du téléphone cellulaire et de l’ordinateur dans l’enseignement universitaire soulève donc des questions délicates. Ils offrent des opportunités enrichissantes pour l’apprentissage et la recherche, mais comportent également des risques en termes de distraction et d’engagement en salle de classe. La gestion de cette balance délicate peut nécessiter des lignes directrices claires, une formation appropriée des enseignants, et une prise de conscience et une responsabilité accrues de la part des étudiants eux-mêmes.

L’appel à l’action : bannir les cellulaires des écoles au Québec

Dans un article récent du Journal de Québec, il a été mis en lumière que certains enseignants au Québec sont de plus en plus fermes dans leur position concernant l’utilisation des téléphones portables à l’école. La demande d’interdiction complète des cellulaires dans les écoles reflète une préoccupation croissante quant à l’impact de ces appareils sur l’apprentissage et le bien-être des élèves. Cette position forte s’appuie sur plusieurs observations et préoccupations. Parmi celles-ci, l’effet distrayant des téléphones, qui peut nuire à la concentration en classe et entraîner une baisse des performances académiques. De plus, l’usage excessif des écrans pendant les pauses et l’heure du dîner peut contribuer à l’isolement social des élèves, qui peuvent alors se replier sur leurs appareils plutôt que d’interagir avec leurs pairs.

Le débat autour de cette question ne se limite pas à la performance scolaire; il touche également à des problèmes plus larges tels que la santé mentale et le développement social des jeunes. Les enseignants qui soutiennent cette interdiction semblent chercher à établir un équilibre entre les avantages de la technologie et la nécessité de protéger et d’encadrer les élèves dans un environnement d’apprentissage sain et propice. Cette position reflète une tendance mondiale, où d’autres régions ont déjà mis en place des mesures similaires. Cela soulève des questions essentielles sur la manière dont la technologie doit être intégrée dans l’éducation et comment les éducateurs et les parents peuvent collaborer pour assurer que les enfants grandissent dans un monde numérique de manière équilibrée et responsable.

La question de l’utilisation des téléphones portables en classe ne se résume pas à un débat binaire entre interdiction et liberté totale. Elle touche à des aspects complexes de l’apprentissage, du développement social et de la santé mentale. Chaque salle de classe, chaque enseignant et chaque étudiant est unique, et les meilleures solutions peuvent varier. C’est pourquoi j’invite mes collègues enseignants, administrateurs et autres parties prenantes à partager leurs points de vue, leurs expériences et leurs pratiques. Vos retours peuvent enrichir cette discussion et contribuer à une réflexion plus large sur la manière dont nous pouvons intégrer la technologie dans l’éducation de manière responsable et efficace.

Complément réflexif – mai 2025

Rappel, cet article a initialement été écrit en août 2023. Aujourd’hui, le 1ᵉʳ mai 2025, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a annoncé que, dès la rentrée de septembre, les téléphones cellulaires seront interdits toute la journée dans l’ensemble des écoles primaires et secondaires du Québec, prolongeant ainsi la restriction déjà en vigueur en classe depuis janvier 2024. L’objectif affiché est double : favoriser la socialisation et réduire le cyberharcèlement. Cette décision soulève cependant des questions de fond sur la mission pédagogique de l’école face à un objet désormais banal dans la vie des jeunes.

Si l’on se contente d’interdire, on traite le symptôme plutôt que la cause. Les travaux récents montrent que les effets réels des interdictions demeurent pour le moins contrastés : certains établissements rapportent une amélioration du climat scolaire, mais les études comparatives concluent à des gains modestes, voire inexistants, sur le rendement académique et la santé mentale. L’enjeu n’est donc pas seulement la présence du téléphone, mais la capacité des adultes à encadrer l’attention, à enseigner la citoyenneté numérique et à accompagner l’autorégulation des élèves. Autrement dit, bannir l’objet sans développer les compétences pour en faire un usage raisonné risque de déplacer le problème plutôt que de le résoudre.

La cohérence institutionnelle passe aussi par l’exemplarité. Exiger des adolescents qu’ils laissent leur cellulaire à la maison tout en tolérant que les membres du personnel consultent le leur à la moindre notification crée une dissonance normative difficile à justifier. De même, si la finalité est de limiter l’exposition aux écrans, l’école devra clarifier la place des ordinateurs portables, des tablettes et même des films éducatifs en garderie : un écran demeure un écran, quelle que soit sa diagonale. À l’université, où les étudiants utilisent massivement leurs appareils pour la recherche et la prise de notes, la logique d’interdiction serait difficilement tenable ; elle illustre que la question n’est pas l’objet en soi, mais la pédagogie qui l’entoure.

Je le reconnais, l’interdiction québécoise répond à une inquiétude légitime que j’avais exprimé, mais elle ne dispense pas l’institution scolaire de développer une réelle culture numérique : apprentissage de la gestion de l’attention, compréhension des algorithmes de recommandation, éthique de la communication en ligne et articulation raisonnée entre outils numériques et situations d’apprentissage. Sans cet accompagnement, la mesure risque d’apparaître comme l’aveu d’une incapacité collective à apprivoiser les nouveaux objets sociotechniques plutôt que comme la preuve d’une vision éducative solide.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sebastien KEIFF (18 août 2023). Le téléphone cellulaire en classe : outil pédagogique ou source de distraction ? Le blog du papa chercheur. Consulté le 8 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/snt9


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