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Leçon de brume et rêves d’étoiles

À l’orée d’un bois, là où la réalité et le rêve se frôlent sans jamais tout à fait se toucher, Auguste, ce père scientifique aux lunettes teintées de rose curiosité, dépliait une carte du ciel, tandis que ses trois filles, munies de loupes et de boussoles déréglées, exploraient le sol pour y trouver des indices d’un monde perdu. Léonie, l’aînée, voyait dans chaque racine un filament d’ADN, une mélodie de la vie qui, si on la plaçait contre l’oreille, chuchotait les secrets de la nature. Elle s’était penchée sur une fleur dont les pétales changeaient de couleur à chaque battement de cil. “La chlorophylle danse ici, n’est-ce pas, papa?”

Crédit photo libre :  Denis Degioanni 

Camille, elle, cherchait dans les ombres les échos des âmes qui étaient passées ici. Avec son carnet spirale d’émotions, elle capta les rires et les pleurs que la forêt gardait en mémoire. “Papa, cette branche semble triste, peut-on lui raconter une blague?” Quant à Margot, elle ne marchait pas mais flottait, les pieds à quelques centimètres du sol, les yeux rivés sur le firmament, cherchant une constellation qui ressemblerait à un papillon ou une tasse de thé. “Papa, si je grimpe sur ce nuage, crois-tu que je pourrais toucher la Grande Ourse?”

Auguste riait doucement, enroulant sa carte du ciel pour en faire une longue-vue. “Mes chéries, chaque grain de sable, chaque souffle de vent est une leçon. Là où la science rencontre l’imaginaire, la beauté du monde se révèle.” Au loin, un arbre semblait jouer du piano, les feuilles tombaient comme des notes de musique, et un cerf portant des lunettes leur fit un signe avant de disparaître derrière un buisson parlant. Dans ce monde, l’enseignement n’était pas linéaire. Il était circulaire, imprévisible, et teinté d’une magie que seul un cœur ouvert pouvait percevoir. Une leçon de sciences se transformait en conte, et chaque conte renfermait une vérité universelle.

“Viens, papa!” criaient-elles en chœur, emportant leur père dans une valse effrénée, tournoyant entre rêve et réalité, entre certitudes et merveilles.

Le vent du changement soufflait, bousculant les feuilles d’automne qui prenaient l’apparence de poissons volants. Les horloges s’étaient mises à courir en arrière, décidées à rattraper un temps perdu. Auguste, papa alchimiste aux cheveux faits de fils d’argent, rassembla ses filles sur un banc de nuages. Il écrivait avec des plumes de flamants roses, et à chaque mot, une constellation naissait. “Les écoles aux murs d’éclairs rouvriront bientôt”, dit-il, un sourire en coin, “mais vous, mes douces étoiles, vous irez sur des licornes à l’école des papillons.”

Léonie, dont les pensées se transformaient en bulles d’arc-en-ciel, s’exclama : “J’espère apprendre pourquoi les chapeaux parlent de météo et comment converser avec les éclipses.” Camille, la tête entourée d’une auréole de lucioles, murmura : “Je voudrais déchiffrer la musique des coquillages et les secrets que gardent les mirages.” Margot, les yeux pleins d’horizons inversés, souffla : “Moi, j’aimerais savoir pourquoi les ombres dansent et comment les étoiles filantes choisissent leur direction.”

Auguste, sa barbe composée de brins d’herbes chantantes, rit doucement. “N’oubliez jamais que la vraie école est partout. Dans le murmure des rivières qui racontent des potins, dans le clignement des étoiles qui font de l’œil au cosmos. Le monde est une salle de classe où les bancs sont faits d’arc-en-ciel, et les leçons sont soufflées par le vent.”

Et alors que le monde se préparait à la rentrée, dans leur bulle d’improbable, ils trinquaient avec des tasses de brume, à la santé des énigmes de l’univers, riant de leurs futurs apprentissages sous l’égide de chouettes lunaires et de renards astraux.

Sous un ciel entortillé de lueurs mauves, la lune, ce vieux fromage, dégouttait de lait stellaire. C’était cette dernière nuit, celle qui précède la grande rentrée, où les horloges chuchotent au lieu de tic-taquer et les chaussettes deviennent des papillons de nuit. Auguste, dont les cheveux semblaient faits de brouillards matinaux, observait ses filles. Elles tentaient d’apprivoiser les étoiles filantes pour en faire des stylos lumineux. Elles voulaient écrire à la lumière des astres, des notes pour l’année à venir.

“Les cartables, cette année,” déclara-t-il, une étincelle dans l’œil, “sont faits d’ailes de lucioles et bordés de rêves d’or.” Il plongea la main dans une poche et en sortit une gomme qui ressemblait étrangement à un nuage. “Pour effacer les tourments et garder l’essence de l’imagination.” Léonie, dont les rires étaient comme des bulles de savon irisées, s’exclama : “J’ai hâte de dessiner des maths qui dansent et de composer des poésies avec les équations du vent!” Camille, avec des idées qui prenaient forme de papillons luminescents, murmura : “J’espère que les livres auront des pages en pétales de rose et que les mots flotteront en apesanteur.” Margot, les yeux remplis de galaxies lointaines, ajouta doucement : “Moi, je veux étudier la langue des oiseaux migrateurs et déchiffrer le dialecte des feuilles d’automne.”

Auguste, dont chaque sourire semblait allumer une constellation, leur répondit : “Que cette année soit une odyssée! Que chaque jour soit une page d’un livre encore inédit, où la réalité danse avec le merveilleux.” Et dans cette dernière nuit, alors que les rideaux des arbres ondoyaient comme une mer calme et les étoiles clignaient de complicité, une douce mélodie de rentrée berça la maison, portée par le souffle d’un vent qui connaissait tous les secrets du monde.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sebastien KEIFF (12 août 2023). Leçon de brume et rêves d’étoiles. Le blog du papa chercheur. Consulté le 8 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/snt4


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